Gorée : île mémoire

Les feux de Dakar se voilent à peine à l'horizon que déjà la chaloupe pénètre dans le petit port de Gorée. Une demi-heure s'est écoulée, le temps de saisir la métamorphose des visages fatigués que le vent du large a magiquement rendus lisses. Ainsi Gorée s'annonce comme une île de la sérénité. Et pourtant Gorée se souvient du commerce infâme qui condamna jadis milliers de fils et de filles de l'Afrique à un exile sans retour, sinon à la mort. Le matin mordore les façades, dont chacune raconte son histoire et fait perdre la mémoire de l'espace; dans une même ruelle défilent une bâtisse, une cour, un escalier, une porte, un ensemble architectural qui pourraient évoquer Amsterdam, Porto, Séville, Saint-Tropez, la Nouvelle-Orléans, Nantes, Brooklyn et peut-être même Damas. Si ce n'était qu'un défilé, Gorée serait un théâtre. Or Gorée est une symphonie qui a intégré les cuivres militaires de ses ports, les violons de ses places civiles et les tambours de ses capitaineries. Aujourd'hui, l'île souffre d'abandon, de mutilations, de surpeuplement et de désœuvrement, mais elle veut vivre. Tel un navire, Gorée, où habitent encore de vieux loups de mer, entend décider de son cap. En faisant découvrir l'histoire de l'île, ses problèmes actuels et les remèdes préconisés pour les résoudre, cette plaquette en appelle à la mémoire de chacun d'entre nous pour que nous contributions à sauver Gorée, dans le cadre de la campagne internationale lancée par M. Amadou-Mahtar M'Boz, Directeur général de l'Unesco, le 22 décembre 1980, au nom de tous les Etats membres...