Le Togo sous Eyadéma

Trop vite considéré par l'opinion publique togolaise comme un personnage médiocre et incapable de conduire les affaires d'un Etat décapité par les deux putschs de 1963 et 1967, le général Eyadéma a réussi à s'imposer à la classe politique traditionnelle et à ses rivaux au sein de l'armé: à tel point qu'a l'heure actuelle il incarne et personnifie le Togo et peut se dire passer pour "le Guide", "le Timonier" ou encore "le Père du Togo nouveau". Comme tout pouvoir d'Etat, le régime Eyadéma est certes fondé sur la force et la violence physique; il est autoritaire et s'appuie d'abord sur l'armé et le parti unique. Mais il a dans le même temps réussi une formidable entreprise de légitimation grâce à l'exploitation, autant symbolique au politique, des deux événements - chocs que furent l'assassinat du premier président, Sylvanus Olympio, en 1963, et l'accident d'avion de Sarakawa, en 1974, dont Eysdéma sortit assez étonnamment indemne. Ces deux événements ont débouché sur de véritables mythes que le pouvoir a su habilement articuler autour des croyances religieuses et des comportements socioculturels pour se donner une assise en apparence populaire. Tant et si bien que les acteurs du jeu politique togolais sont associés dans un réseau de relations équivoques et contradictoires ou les gouvernés mettent leurs ressources à repousser l'hégémonie croissante de l'Etat et ou les gouvernants, armés de leur fameuse idéologie de l'authenticité, soutiennent avoir institué un régime en parfaite harmonie avec l'univers psychologique des premiers.