Les fantômes du roi Léopold
Les fantômes du roi Léopold
Les débuts de ce récit remontent à un lointain passé dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui. J'y discerne cependant un moment central, incandescent, qui illumine des décennies en amont et en aval : celui où jeune homme prit soudainement conscience d'un problème d'ordre moral. Nous sommes en 1897 ou 1898. Essayez de l'imaginer, débarquant d'un pas vif d'un bateau à vapeur affecté à la traversée de la Manche. Vigoureux, solidement bâti, moustache en crocs, il a environ vingt-cinq ans. Plein d'assurance, il s'exprime bien, mais son anglais ne possède pas le raffinement d'Eton ou d'Oxford. Il est bien habillé, mais ses vêtements ne proviennent pas de Bond Street. Ayant à charge une mère souffrante, une épouse et une famille qui s'agrandit, on le voit mal s'engager dans une cause idéaliste. Ses opinions sont totalement conventionnelles. Il ressemble à ce qu'il est : un respectable homme d'affaires, aux idées modérées. Edmund Dene Morel travaille pour une compagnie de navigation de Liverpool dont une filiale détient le monopole de toutes les importations et exportations de marchandises effectuées par l'Etat libre du Congo, comme on dénomme alors ce vaste territoire d'Afrique centrale qui est l'unique colonie au monde à être revendiquée par un seul homme. Cet homme, c'est le roi de Belgique, Léopold II, loué dans l'Europe entière comme un monarque "philanthrope".
CITATION: Hochschild, Adam. Les fantômes du roi Léopold . Paris : Belfond , 1998. - Available at: https://library.au.int/les-fantômes-du-roi-léopold-3